Panel Talk – Role of Media in Combatting Hate speech and extremism – December 2021

Une conférence exceptionnelle s’est tenue, en cette journée du 11 décembre 2021 à l’hôtel Warwick de Genève, à 14H30. Avec la participation d’éminents spécialistes suisses, étrangers et d’Ambassadeurs auprès des nations unis, l’association suisse CRI- Voix des victimes, sous l’impulsion de son président juriste Abdeljelil Dhahri, a commémoré la journée des droits de l’Homme autour de la thématique du « Rôle des médias dans la lutte contre le radicalisme et le racisme ». A quelques pans du lac Léman, cette réunion d’experts a vu naître à Genève le Centre International Jussor, Médias et Progrès qui coorganise l’évènement. C’est avec des mots d’honneur que Abdeljelil Dhahri remercie le comité des personnalités imminentes à l’instar du Président de la Fondation de l’islam de France Ghaleb Bencheikh qui fut le premier à prendre la parole. Comme à son habitude, le professeur, alliant l’usage de l’éloquence à la vision humaniste qui est la sienne, insista sur le rôle des coeurs sincères à faire barrage aux monstruosités du radicalisme et alerta les consciences à ne pas tomber dans « les concordismes aux textes d’un côté ou le rejet de ces derniers d’un autre côté ». Appelant toujours à la responsabilité de chacun et notamment des médias qui instrumentalisent la question de l’islam à tout vent.

Dr Hammadî, président de Jusoor insista quant à lui aussi en tant que représentant des journalistes émiratis à l’international sur les valeurs déontologiques du journalisme et de la nécessité de dresser des ponts entre le Proche Orient et l’Occident dans le cadre de la défense des droits de l’Homme (et de la femme) et du développement des initiatives communes.

On retiendra de son excellence Prof. Hatem Ben Salem, ex-ministre de l’éducation tunisien et ex-ambassadeur auprès des Nations Unis cette phrase-somme « il faudrait inciter les occidentaux et nous-mêmes à mettre en place des programmes pédagogiques [communs] pour stopper le discours de haine … qui ne peut, si nous ne le faisons pas, que nous mener à la guerre ». Tout en accentuant les risques de l’immobilisme à l’échelle internationale, il insiste sur le rôle que peut jouer la fondation des médias libres Jusoor et tous les acteurs – les experts internationaux présents- de la société civile à agir sérieusement, en conséquence.

Docteur en sciences politiques, le spécialiste suisse de l’interreligieux Roberto Simona oriente le débat de cette journée des droits de l’homme dans les médias autour des dangers qui menacent la liberté. Et il en témoigne de sa propre expérience lors des visites des pays musulmans de l’importance de la liberté qui, selon lui, doit s’inscrire dans un processus de vie sans lequel la responsabilité des médias est engagée.

Sur cette même matière, le président de l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) Emmanuel Dupuy, fort de sa connaissance des questions géostratégiques, rappelle que des journalistes ont trouvé la mort dans des pays dit « en paix », rapport à l’appui. Aussi la liberté de la presse fragilisée par le cas de la journaliste d’investigation maltaise, Daphne Caruana Galizia, assassinée en méditerranée nous oblige à une prise de conscience citoyenne, nous rappelle-t-il, pour lutter contre les vérités biaisées dans les médias. Mais surtout pour lui « il faut trouver les moyens de dialoguer avec des gens de différentes pensées », une manière de garantir des ponts autour de la méditerranée.

Le secrétaire général de la FICA (Fondation islamique et culturelle d’Ahl el Bayt à Genève) pointe surtout la responsabilité des médias mainstream prônant une certaine hypocrisie – politisée lorsqu’il s’agit du cas Assange, exemple parmi tant d’autres. L’attitude des « deux poids deux mesures » est bien à elle seule la mise en cause de la liberté de la presse en Europe et dans le monde.

Quant à la présidente de Méditerranée Plurielle, Dr Samia Selmani, connue également pour ses efforts pour le dialogue interreligieux, elle nourrit le débat avec une question centrale à l’encontre des membres du Centre International Jusoor : « Quelle indépendance pour les journalistes alors les médias ne sont pas financièrement indépendants ? A posteriori, comment peut réaliser ces grandes valeurs de justice et des droits humains … dans la mesure où ne nous sommes pas libres ?

Voilà que la sociologue libanaise Dolly Sarraf et secrétaire générale de l’association arabe de sociologie mets l’accent à son tour sur les lieux de rencontre à créer entre les pays méditerranéens face aux défis du développement technologique dans le domaine des médias. Il faut « redessiner l’image de l’autre car celle-ci est défigurée par les radicaux » nous précise-t-elle. Elle revient sur l’islamophobie comme fait dangereux qui résulte, de la même façon, d’une représentation erronée de l’autre afin d’attiser la haine contre les minorités, victimes parfaites.

Une autre personnalité engagée dans la lutte intellectuelle contre la politisation de la religion, Dr Malik Bezouh, lance la phrase suivante : « I have a dream (j’ai un rêve) … que tous les leaders de l’islam politique se lèvent [le matin] et disent ‘nous jetons l’éponge’, ‘nous avons fait assez de mal’ ». Le bilan de l’islam politique depuis des décennies est un désastre absolu car il alimente en Europe les populismes et les courants identitaires. Le lien entre les deux est avéré de manière indéniable. Le cas de la France, explique-t-il, est assez particulier car six des huit croisades sont françaises, le caractère antimusulman naît et accompagne l’histoire jusqu’â nos jours. L’époque des lumières, nous rappelle-t-il est une période où l’on change d’optique par rapport au monde musulmans car la religion [christianisme y compris] est considérée comme un fléau.

La brève prise de parole du vice-président de l’UPF (Universal Peace Federation), monsieur Michel Rémond, marque un appel concret à la coordination participative des médias pour plus de transparence et d’échange, lui qui oeuvre pour la paix depuis des décennies.

Pour le docteur en études religieuses B. Brodard, la question des médias sous-tend la question du traitement médiatique, notamment vis-à-vis de l’islam. Les actes ici et là d’individus se doivent toute la prudence nécessaire car souvent la hâte médiatique juge les faits à la guise du jugement populaire, problématique à tous les niveaux dans un état de droit.

L’intervention du président de la COIS (La coordination des organisations islamiques – Suisse), Dr Farhad Afshar qui organisa la veille une conférence à Berne « Les droits de l’homme à l’épreuve de la politisation des religions et des cultures », souligne l’importance de l’union des citoyens à l’image des quatre-vingts religions présentes en terre helvète. Il appelle à la solidarité de la frange musulmane en Suisse pour participer activement à la vie commune afin de défendre les droits communs à tous, de ne pas passer à côté de cette opportunité civile. Suivi de quelques questions notamment par l’ambassadeur du Kosovo Chabani Muharrem, les sourires étaient sur tous les visages.

Pour clôturer cette experts testimonii si spécial, le maître de la séance l’islamologue consultant et vice-président de la CRI – Voix des victimes, monsieur Boumédiène Benyahia, rappela l’importance de l’apport pluriel sur des questions aussi complexes que les droits des êtres humains, à la lumière de la fonction suprême des médias : informer et réformer [impacter] l’individu et la société au regard des changements inéluctables et des défis innombrables de notre temps. Des remerciements et applaudissements marquèrent le terme en ex-voto aux organisateurs et à tous les participants et personnes qui y ont contribué ; « c’est un début de réussite sans fin », proclama-t-il à la fin.